Biographies

Frank Zappa, le ‘Miles Davis du Rock’…

Bien connu des musiciens professionnels, Frank Zappa n’en est pas moins un illustre inconnu pour le grand public… et pourtant, si l’on s’intéresse un peu à l’histoire de ce singulier compositeur-guitariste-producteur, on comprend vite qu’il est un pilier, une source d’inspiration inépuisable, pour ses pairs… un peu l’équivalent de ce que Miles Davis a été pour le Jazz : un musicien révolutionnaire, bourreau de travail, révélateur de talents… mais aussi un homme complexe, touche à tout, provocateur, militant et profondément libre.

Nota : vu le nombre de fans (Zappa a même un festival annuel en Allemagne : les Zappanales), mon but n’est pas ici de produire une n-ième biographie exhaustive (en voici une très bien, ici, ou une autre encore, )… mais j’espère plutôt vous faire découvrir un peu de son oeuvre, et vous donner l’envie de l’écouter.

Une enfance entre Baltimore et L.A.

Frank Zappa est né le 21 décembre 1941 à quelques kilomètres de Washington. Ses parents sont d’origine Franco-Siciliano-Libanaise, et ils vont donner naissance à trois autres enfants : Bobby (1943-2018), Carl (1947) et Patrice (1951).

Dès les années 60, la famille part s’installer sous le soleil de Californie… Frank est déjà un passionné de musiques bizarres… indifférent aux Hits de l’époque et pas emballé par le mouvement ‘peace & love’, le jeune Zappa préfère étudier les compositions d’Edgar Varèse (Ionisation, une oeuvre technique/expérimentale) , et Igor Stravinski (le Sacre du Printemps).

Son 1er groupe : ‘The Mothers’

A 20 ans, son destin, il le voit en tant que compositeur, mais il ne se sent pas à la hauteur, et l’appel de la scène innovante du Rythm & Blues le titille. Après réflexion, malgré une prédisposition pour les percussions, c’est donc avec une guitare qu’il va choisir de se lancer dans une carrière musicale.

Son 1er groupe s’appellera ‘The Mothers of Invention’ (1964), et Zappa est sur tous les fronts pour assurer la production de plusieurs albums, déjà profondément critiques sur le conformisme ambiant ou les travers de la célébrité.

En quelques années, à force de travail, de concerts et d’enregistrements (plus de 2 albums par an), le groupe prend une place innovante sur la scène RnB. La virtuosité des musiciens, les compositions novatrices, l’ouverture d’esprit (toutes les nationalités sont les bienvenues), l’humour et la provocation, font de ce groupe une pépite originale qui séduit un public de plus en plus nombreux et suscite des vocations (dont le groupe Français Raoul Petite, fondé en 1979).

Disons-le franchement : dans les 60’s, avec Jimmy Hendrix, il est l’un des meilleurs guitaristes-compositeurs qui osent tout… sans aucun tabou, avec l’obsession de créer, d’explorer et d’atteindre l’excellence musicale. Dès lors, Zappa fascine ses pairs, y compris les plus prestigieux, car il invente de nouvelles façons de jouer (par exemple, c’est un utilisateur précurseur de la pédale Wha-Wha).

Enfin, il gère tout, de A à Z. Bien décidé à rester indépendant, il médiatise sa musique avec ses petits moyens (via la presse et la radio), et même ses pochettes de disques sont faites maison (made by Zappa himself, en parfait autodidacte, et fier de l’être).

Les premières parties des concerts ? elles sont assurées par un jeune inconnu à la voix rocailleuse : Tom Waits.

Une particularité ? Oui, jouer avec Zappa, cela se mérite :

  • les compositions sont techniquement très difficiles (truffées de variations rythmiques en tous genres),
  • il est exigé de connaître des dizaines de morceaux interminables, sur le bout des doigts,
  • cerise sur le gâteau : Zappa a développé sa propre technique de chef d’orchestre, un langage des signes qu’il partage avec son groupe. Bref, les musiciens doivent être capables de jouer tous les titres dans plusieurs styles (Jazz, Reggae, Hard Rock, RnB,…), et ceci en totale improvisation.

Conséquences : Chaque concert est unique, et les musiciens qui n’arrivent pas à suivre sont remplacés. Ainsi, la composition du groupe évolue régulièrement. Bien sûr, la sélection est rude et c’est pourquoi Zappa va devenir un incroyable découvreur de talents (le batteur Terry Bozzio, le musicien Cat Stevens, ou les guitaristes Adrian Bellew, Steve Vai,…).

Au niveau personnel, il se marie en 1967 avec une certaine Gail Sloatman. Ensemble, ils fonderont une famille nombreuse (famille heureuse donc !!), avec pas moins de quatre naissances : Moon Unit (1967), Dweezil (1969), Ahmet (1974) et Diva (1979).

Une épreuve : la semaine du 4 décembre 1971

Nul ne peut l’ignorer, le titre ‘Smoke on the Water’ de Deep Purple relate le tragique incendie d’une salle de concert bondée, lors d’un show avec son groupe, à Montreux, le 4 décembre 1971. Une soirée épouvantable… ne faisant, miraculeusement, aucune victime.

Quelques jours plus tard, lors d’un concert à Londres, Zappa est projeté dans la fosse par un spectateur illuminé. Résultat : plusieurs fractures et un écrasement du larynx, qui vont le clouer dans un fauteuil roulant pendant une longue année et profondément modifier ses capacités vocales.

Malgré tout, ces tragiques évènements ne vont pas l’empêcher de composer, id est de continuer à rechercher quelques minutes de perfection musicale au beau milieu de bizarreries en tous genres. Ses projets deviennent même déraisonnables : il décide d’utiliser un orchestre philharmonique pour l’accompagner sur scène… un véritable gouffre financier pour lui.

En 1976, frustré de ne pas pouvoir sortir un projet de quadruple album avec la Warner, il décide de créer son propre label et enchaîne avec deux beaux succès commerciaux (surtout en Europe, son plus fidèle public) :

  • Sheik Yerbouti (1979),
  • Joe’s Garage (1979).

Les 80’s selon Zappa

Pour moi, les 80’s selon Zappa se résument en trois morceaux :

  • ‘Heavenly Bank Account’ : un gospel entraînant et des paroles sans ambiguïté sur les hommes de pouvoir et les institutions religieuses.
  • ‘We are not Alone’ : une crise de saxophonite aigüe.
  • ‘Dirty Little Frogs’ : un délire musical où il est question de vilaines grenouilles.

Non, sérieusement, la créativité de l’artiste est telle (plus de 20 albums sur la période), que l’on ne peut que rester pantois : plus que jamais, Zappa est prolifique et multiplie les recherches/expériences (albums studio, oeuvres d’opéra-Rock, musique classique, musique contemporaine,…).

Ces années sont aussi l’occasion pour lui de se donner à fond dans son activité préférée : la production de morceaux instrumentaux avec de très bons solos de guitare.

Enfin, n-ième changement de registre, n-ième bizarrerie : en 1984, il produit l’album ‘Francesco Zappa, intégralement joué au synclavier (1er synthétiseur)… un avant-goût de ce qui vient : l’avènement de la musique numérique.

1988 : Sa dernière tournée

A la fin des 80’s, Zappa en a marre… il a trop fait le tour de la planète Rock. Désormais, il va se consacrer à la musique orchestrale et au synclavier.

Devenu une star, il en profite pour réagir et défendre les sujets qui lui tiennent à coeur… et plus particulièrement, la liberté d’expression… car l’Amérique est sur le point d’interdire les productions aux contenus explicites. En février 1986, il est auditionné par le sénat du Maryland, pour débattre de cette curieuse peur du sexe dans la société Américaine, et des dangers du ‘programme de surveillance morale chrétien’ qui émerge.

Revigoré par sa nouvelle aura médiatique, fort d’un fabuleux répertoire et d’une renommée mondiale, Zappa reprend la route pour ce qui sera sa dernière tournée, en 1988. Au niveau musical, c’est toujours l’expérimentation et la recherche de la perfection tous azimuts… imaginez un peu : pour cette tournée, il décide que son groupe va interpréter le ‘Boléro’ de Ravel !!… une originalité qui produira son effet sur les scènes du monde.

Mais la fatigue et les tensions entre les musiciens vont écourter cette belle histoire… et Zappa ne le sait pas encore, mais en 1991, on lui diagnostiquera un cancer de la prostate. D’ici là, il a encore beaucoup de projets en tête…

Une carrière politique ?

En 1989, le mur de Berlin tombe… un an plus tard, son ami (et 1er admirateur), le président Tchèque Vàclav Havel, veut faire de lui un ministre. Séduit, Zappa se rend à Prague et découvre à quel point il est adulé par un peuple tchèque qui s’est nourri de ses oeuvres pour tenir bon pendant des années de communisme… d’ailleurs, sa chanson ‘Plastic People’ est devenue l’équivalent d’un hymne national !!

Malheureusement pour lui, ce projet politique va tomber à l’eau sous la pression des USA… mais l’idée de se présenter aux élection US va faire son chemin.

Frank Zappa président Américain ?? Oui, nous aurions pu le vivre… surtout lorsque l’on connait quelques-unes de ces géniales déclarations :

  • ‘Le tabac est mon légume préféré’.
  • ‘La vraie question est: peut-on rire en baisant?’
  • A propos de la critique : ‘Des gens qui ne savent pas écrire, qui interviewent des gens qui ne savent pas penser, pour écrire des articles destinés à des gens qui ne savent pas lire’.

Bref, il avait tous les atouts en main, et un programme séduisant : moins d’état et moins d’impôts !!… mais la maladie en aura décidé autrement. Frank Zappa n’aura pas d’autre choix que de renoncer à son projet, et il décède à 52 ans, le 4 Décembre 1993, à Los Angeles… laissant la place libre à un autre musicien (parait-il), un certain Bill Clinton.

Depuis sa disparition, sa femme Gail a travaillé dur pour permettre la diffusion de nombreux opus inédits… des oeuvres, par centaines, qui étaient soigneusement stockées dans un coffre fort personnel dénommé ‘The Vault’.

Je vous souhaite bon courage si vous voulez tout écouter… mais si vous avez un peu de temps, je vous propose ces quelques titres (produits entre 1973 et 1986), pour une bonne entrée en matière…

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